ECONOMIE DIGITALE : ON LIQUIDE BIEN LES CADEAUX

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Une fois n’est pas coutume, on va causer consommation ou plus exactement évolution des usage des consommateurs à l’heure du triomphe de l’économie digitale.

En cette période de fêtes, c’est devenu en quelques années le best seller des marronniers de nos rédactions TV et média. Pas une en effet qui ne consacre un sujet à la déferlante des reventes et échanges de cadeaux via les plates-formes en lignes dédiés à ce commerce. Mais commerce, en est-ce véritablement bien un ? En bon élève du capitalisme, d’obédience société de consommation, je me pose légitimement la question.

La vidéo à l’origine de ce post provient du JT de France 2, car il m’arrive encore de visionner les grandes messes de l’ancêtre de l’internet.

France Télévision n’offrant pas la capacité à intégrer un flux vidéo entre ces lignes, la vidéo est accessible à l’ancienne en cliquant ici.

Ainsi donc premier fait notable : les reventes et échanges des cadeaux de Noël ne cessent de progresser. Ce n’est pas en soi une surprise. Sauf à vivre aux confins de notre mondes connecté, dans ces zones « blanches », vierges de tout accès au web, il est naturel pour nous autres de recourir aux multiples plates-formes de ventes et de trocs en ligne. Une fois le pas sauté, il semblerait même que leur utilisation devienne presque addictive !

Mais au delà de nos seuls usages, il est indispensable de s’interroger sur nos motivations. On parle tout de même de cadeaux, soit des biens matériels pensés et acquis en vue de faire plaisir à nos proches. Leur choix a fait l’objet d’une réflexion, doublée pour beaucoup d’entre nous d’une contrainte budgétaire. Or tout semble procéder comme si le caractère affectif – le fameux « plaisir d’offrir, joie de recevoir » – s’était étiolé au point même de se dématérialiser. Un processus intimement lié à la révolution digitale, à l’oeuvre depuis maintenant une vingtaine d’années avec une accélération exponentielle depuis grosso modo 2010.

Je prendrai soin de distinguer plusieurs cas de figure.

Et tout d’abord, ce cadeau si redouté qui, le papier arraché, nous laisse à peine les ressource de puiser bien loin en nous un sourire de circonstance et le souffle nécessaire pour prononcer du bout des lèvres un balbutiant merci dont la sincérité et l’honnêteté n’auraient rien à envier à celle d’un politique à l’approche d’un scrutin. Alors oui, admettons qu’en pareil cas il est de droit voire même d’intérêt de se débarrasser du dit cadeau empoisonné ; peu importe la méthode ! Le web est un gigantesque et salutaire vide grenier où tout objet devrait trouver preneur, voire même, ô miracle ! faire le bonheur du nouvel acquéreur.

Et puis il y a le cadeau en double ou encore le pull 3 tailles au dessus. Les sites spécialisés du web offrent une alternative intéressante au traditionnel échange en magasin. A un détail près toutefois : on privilégie la monétisation du bien à l’acquisition d’un nouveau. Et ce détail, on va le voir, a son importance.

Basculons en effet maintenant vers ce qui interroge le plus : ainsi que le mentionne le sujet vidéo, les produits high-tech, les jouets mais encore les biens culturels (livres, dvd, blu-ray) pullulent parmi les objets mis en ligne juste après Noël. La logique et les motivations qui sous tendent ce « commerce » entre particuliers relèvent en ce cas de la pure liquidation des biens. A la propriété, aux jeux partagés et à l’enrichissement intellectuel, on préfère la conversion en monnaie sonnante et trébuchante, le carillon des pièces passant de mains en mains se serait-il tu aujourd’hui.

Or une société de consommation qui peu à peu se déporte de la logique de propriété des biens vers celle de leur liquidation est indiscutablement une société en mauvaise santé, en crise donc. Rien de nouveau en soi, mais alors pourquoi personne n’évoque-t-il ce revers de la médaille ? L’explosion des échanges de produits entre particuliers ne traduit pas l’émergence d’une nouvelle forme de commerce estampillé digital, ce sont au contraire les mauvaises conjonctures économiques qui engendrent en grande partie le succès et le développement de ces échanges.

Ainsi là où certains évoquent une révolution en discourant exclusivement sur des valeurs progressistes, je n’hésite pas pour ma part à pointer non seulement la partialité de ce discours mais encore sa profonde hypocrisie. La révolution digitale, ou numérique, c’est à votre choix, bouleverse et transforme littéralement nos usages et nos modèles économiques, c’est indéniable et mon propos n’est ni de le contester ni d’appeler à adhérer à la doctrine du « c’était mieux avant ».

Par essence une révolution n’est pas en soi vouée au progrès. Il faut savoir prendre du recul et surtout réfléchir à l’intérêt public et sociétal des innombrables outils qu’il nous est donné d’expérimenter. Faute de quoi, telle la fable de l’apprenti sorcier, nous nous retrouverons vite dépassés, cherchant la formule magique pour stopper le processus engagé.

De même que la démocratie, le digital est un moyen, pas une fin en soi. Promulger sa victoire ne suffira pas à assurer la relève et la pérennité de nos économies. Il implique d’être déployé avec intelligence et discernement, faute de quoi l’uberisation de nos économies nous fera inévitablement prendre des taxis pour des lanternes.