OPTIQUE : LA CHARGE FANTASTIQUE OU DUEL AU SOLEIL, C’EST AU CHOIX

Y-a comme une odeur de poudre noire dans le secteur de l’optique ! Et le gun-fight ne fait sans doute que commencer jusqu’à un climax final qu’on imagine d’ores et déjà digne de Règlements de comptes à OK Corral. Même Afflelou ne pourra cette fois endosser l’étoile de sheriff, histoire de calmer le jeu dans ce duel qui s’annonce fratricide.

Pour preuve de cette bataille, le réveil – ô combien tardif ! – des grandes enseignes du secteur face à la nouvelle concurrence portée par des entreprises telles que Jimmy Fairly ou Lunettes pour tous.

Presse-magazine, TV, radio mais encore opérations en relations de presse, jamais l’optique « traditionnelle » n’a jamais été aussi présente en termes de mass-média comme d’actions de lobbying, bénéficiant de relais aussi important que celui du Ministère de la santé, rien que ça !

Pour illustration, ce nouveau spot – très réussi par ailleurs – pour l’opticien Krys qui, quand bien même il s’inscrit dans l’événement des 50 ans de l’enseigne, participe de cette lame de fond :

 

Honnêtement y-a bien que le bébé dans cette pub qui se marre, car du côté de la profession, on sent que la propension à la rigolade est en berne, pour ne pas dire que ça commence à transpirer version sueurs froides. Bref, rien ne sera plus comme avant et il était plus que temps.

Soyons bien clair : nous ne prétendons ni ne souhaitons sonner le glas de quiconque et admirons encore moins le business model des nouveaux bébés, squales de l’optique. Leurs dents sont aiguisées sur le modèle de l’ultra low cost – ce qu’ils réfutent d’ailleurs non sans un certain cynisme – et nous savons tous que cette spirale se révèle souvent in fine tout sauf vertueuse et progressiste sur le plan social.

DES MARGES SI INDÉCENTES QU’ON PRÉFERE LES QUALIFIER D’OPAQUES

Mais quand même : citez-nous un marché qui ne mérite une telle volée de phalanges à son endroit ? Allez, comme ça, du tac au tac, sans trop réfléchir !

Oui, le secteur de l’optique mérite de se faire secouer le prunier et sévèrement même. Depuis des dizaines d’années il prospère sur des marges si indécentes qu’on préfère les qualifier poliment d’opaques – le joli mot ! Quant à son modèle économique, ses contours sont calqués sur les courbes des remboursements assurés par les complémentaires santé. Dis moi quelle est ta couverture, je te dirai à quelle prestation tu as accès. On a connu mieux !

Il y a bien eu, il y a une trentaine d’année, quelques tressaillements, presque un début de révolution. La Marianne d’alors portait haut et fier un étendard – claque-au- vent, sur lequel étaient brodées les initiales « AA », Alain Afflelou himself, celui là même déjà évoqué plus haut. Mais force est de constater que si elle a favorisé une certaine démocratisation du produit, cette révolution s’est finalement étiolée. L’enseigne, alors synonyme d’une offre concurrentielle imbattable, s’est peu à peu normalisée, pour finalement rentrer dans la danse des faux semblants et du marché de dupes.

Si Afflelou a prétexté et crié durant plus de 20 ans être « fou »,  ce n’était assurément qu’une folie de façade ou, plus justement, de vitrine. L’attractivité de son offre reposait principalement sur la réduction des coûts des montures, en proposant des collections en propre, en complément des modèles de marques, dont les prix de vente sont, rappelons le, la seule résultante de licences payées au prix fort. Le bénéfice pour le consommateur était déjà remarquable : s’offrir de jolies lunettes aux mêmes conditions que les douteux modèles des réseaux mutualistes ; vous savez, ceux assortis aux bagues dentaires et aux coupes capillaires façon mulet. Si ça ne vous dit rien, référez vous au personnage de Cypren du comédien Elie Semoun ou, si vous êtes plus téméraires, visionnez un épisode de Derrick.

Mais le plus significatif restait à faire, à savoir s’attaquer aux verres proprement dits. Il est même incroyable que personne n’ait dégainé son colt plus tôt, du fait de l’inexorable chute du pouvoir d’achat des classes pauvres et moyennes ainsi que des profonds bouleversements des modes de consommation, intervenus ces 20 dernières années. Il faut croire que le fruit est trop juteux et la branche à laquelle il est suspendu trop fragilisée pour qu’aucun des acteurs historiques du secteur n’osent bouger, ne serait-ce que d’un pouce. C’est ce que l’on appelle, a minima, un accord tacite : « Ne faisons pas de vagues, on s’ en sort très bien comme ça… »

L’OPTIQUE C’EST AVANT TOUT UN MÉTIER, UN SAVOIR FAIRE

Alors oui, c’est indéniablement une bonne chose que de voir de nouveaux arrivants pénétrer la zone de confort tout en administrant de violents coups de pied dans la fourmilière.

Et il est tout naturel en réponse de voir les historiques monter au créneau pour rappeler que l’optique c’est avant tout un métier, un savoir faire, un service à forte valeur ajoutée. Dans cette perspective, le spot pour Krys illustrant ce sujet, est assurément une bonne pub. Intelligemment écrite et joliment mise en image, elle vise à valoriser la marque en l’intégrant dans notre quotidien de binoclars, de l’instant le plus anodin au plus intime, en passant par le cocasse. Le tout enrobé par 50 d’histoire, un argument non négligeable pour asseoir son autorité et consolider les acquis de la marque.

C’est la bonne trajectoire donc mais ça ne suffira pas ! Si l’on se réfère à l’exemple et au succès retentissant de Lunettes pour tous, sommes toutes très localisé pour le moment, il est indéniable qu’un tel concept, s’il venait à bénéficier des financements requis pour développer un réseau de succursalistes, pourrait essaimer en un temps record. Et s’il couplait ce modèle à celui de la franchise pour les villes disons moins stratégiques, ce pourrait être  une vraie razzia.

Qu’attendent alors les grandes enseignes, installés depuis si longtemps, pour réviser de fond en fond en comble leur stratégie marketing et leur offre ? Comment se fait-il qu’à l’instar de ce qu’il s’est passé dans la téléphonie mobile, elles ne développent pas à leur tour des marques « filles » à tarifs modérés, en préservant ainsi la notoriété et la valeur de leur marque originelle ?

Tant de question pour si peu de réponses à ce jour, et le temps presse. La captive a les yeux clairs et il lui faudra très bientôt des solaires à sa vue et, croyez-nous, elle scrutera attentivement les offres avant de se décider…