COMMUNICATION DIGITALE : LES LIMITES DU BLUFF ET DU BUZZ

« Le bonheur c’est simple comme un coup de fil » nous comptait France Télécom – ancêtre d’Orange – en des temps que les moins de 30 ans ne peuvent pas connaitre.

A croire que les rédacteurs de l’époque avaient mis le doigt, ou plutôt la plume, sur la maxime ultime si ce n’est qu’aujourd’hui elle se conjugue autrement.

Oui de nos jours, où l’indice de viralité est devenu le premier marqueur du succès d’une action de communication, nous dirions plutôt : le Buzz c’est simple comme un coup de bluff.

Preuve en est encore tout récemment avec les retombées médiatiques suscitées par le lancement de la vraie-fausse appli Rumblr, telles que cet article (côté français) ou cette vidéo (outre atlantique) :

UN MIX MATCH ENTRE TINDER & FIGHT CLUB

Alors Rumblr c’est quoi au juste ?

Et bien pour faire simple imaginez l’enfant illégitime issu d’une liaison entre Tinder, l’appli de rencontres géolocalisées chantre du coup d’un soir, et le concept de Fight Club, né de l’imagination de l’auteur Chuck Palahniuk.

La promesse : une fois l’appli téléchargée et votre profil créé, vous voici en mesure d’identifier des compétiteurs au plus proche de vous pour, dans un  premier temps, les chauffer à coups de punchlines vindicatifs avant de convenir d’un endroit où vous mettre littéralement sur la gueule. Ultime cerise sur le gâteau : le lieu du fight est rendu public et votre pugilat pourra donc s’opérer devant les autres membres inscrits, alors simple voyeurs. Sympa non ?!

Alors « vraie » appli car dans les faits le site qui la promeut a tout mis en œuvre pour lui donner corps. Diffusion dans un premier temps de screen shots accréditant son développement, puis mise en ligne d’une version Beta, précédée d’un countdown pour susciter l’attente et rendre d’autant plus crédible sa future existence.

Mais « fausse » appli car pour peu que l’on s’inscrive sur la version Beta et que l’on entame un chat avec les autres membres on prend très vite conscience que ceux-ci ne sont que des robots qui se dégonflent  rapidement avant de nous amener in fine sur cette page, soit le préquel au site web d’une agence de créatifs nommée Von Hughes.

Et les créatifs en question, qui pour l’instant ne dévoilent que leurs prénoms – mais pourquoi donc ? – de nous inviter à les contacter si nous souhaitons bénéficier de leur talents en matière de communication digitale.

LA MORALE DE L’HISTOIRE

Si il est maintenant entendu que Rumblr n’était rien d’autre qu’un énième Hoax, on peut toutefois s’interroger sur le fait que de nombreux sites média tels que GQ (cf article mentionné plus haut), Gizmodo  ou le New York Daily News aient relayé l’info telle quelle, en quelque sorte au premier degré.

Il y a sans doute une raison à cela et honnêtement elle n’est pas dès plus enthousiasmante à entendre : le développement comme l’exploitation d’une telle application semblent en effet dorénavant tout ce qu’il y a de plus crédibles.

Pour ceux d’ailleurs qui en douteraient, je rappelerai cette récente actualité du lancement en Allemagne de Ohlala, un site web doublé d’une appli mobile de mise en relation clairement voués à la prostitution féminine – sur le site, ils préfèrent dirent « rencontres tarifées », sans doute trouvent-ils cela plus gentle ! Une création que l’on doit à une certaine de Pia Poppenreiter, femme d’affaire dont l’opportunisme et le cynisme côté business semble ne connaitre aucune limite, si ce n’est celle heureusement de la légalité de bon nombre de nos contrées.

L’équipe derrière le coup de bluff Rumblr a donc intelligemment surfé sur cet état de fait. Mais cette stratégie devrait rapidement connaître ses limites, car elle dénote aussi et surtout combien public comme média semblent désormais prêt à accepter le principe même d’offres de service moralement plus que discutables. Des offres qui sous couvert de révolution numérique, tendent plus vers la régression sociale que vers un idéal progressiste dont nous n’avons jamais eu autant besoin.